Remember meeeeee [Silver]

[Pardon Babe.]

La réputation d'Adam n'était plus à refaire. Depuis plusieurs années il traînait celle de baiseur et légèrement drogué. Il ne pouvait pas le nier puisqu'il s'agissait sans aucun doute de ses deux passe-temps favoris, tous les deux parfaits pour oublier à quel point les cours pouvaient être chiants à mourir. Le lundi était donc LA journée qui nécessitait absolument ces deux remèdes pour se préparer à une semaine de souffrances. Le problème était le suivant : être célibataire et avoir une réputation pareille limitait les possibilités de tirer son coup dans la journée. Les filles avaient fini par comprendre qu'il ne demandait rien de plus qu'une bonne soirée et même si certaines continuaient d'apprécier cette façon d'éviter les prises de têtes inutiles, beaucoup refusaient maintenant de lui accorder quoique ce soit. Et en plus de ça, il détestait monter plus de deux fois la même jument et préférait largement renouveler ses partenaires et parier sur la couleur de leurs poils ou leur épilation. Il était 23h et Adam réalisait son échec et le problème auquel il devait maintenant faire face. Il avait trop baisé et c'était maintenant la crise sexuelle. Il avait croisé Dakota dans les vestiaires du gymnase en fin d'après-midi entre leurs deux entraînements respectifs et s'était fait violence pour ne pas l'embarquer dans les douches avec ou sans son consentement en souvenir du bon vieux temps. Vraiment, c'était la mort. Il ne lui restait plus qu'à compenser avec l'autre remède anti dépression du lundi soir. Il ne pouvait évidemment pas fumer dans sa chambre avec le geek en qui il n'avait pas du tout confiance. Tous les profs étaient au courant de ses addictions mais autant rester discret. Alors il avait pris l'habitude de s'armer de son sachet d'herbe et le reste et de s'isoler sur le toit jenesaiscommentmaisdetoutefaçoniln'yaaucunelogiquedanslesrpg. Le cadre était planant d'avance et un peu de fraîcheur calmerait ses envies du moment. C'était sans compter une silhouette féminine posée contre le bord du toit et dos à lui. Ohoh. Il n'y voyait strictement rien mais ses formes laissaient présager quelque chose de bon. La journée lui semblait de suite bien moins merdique et peut-être que cette rencontre allait se finir dans un lit. Geek à proximité ou pas. Adam s'approcha lentement, sortant ses feuilles, son tabac et le reste de sa poche et les déposa juste à côté de sa nouvelle proie. Puis, il tourna la tête. Puis, merde. Il ne se serait jamais approché s'il avait pu la reconnaître de loin. Et il n'aurait jamais pensé à la sauter, surtout. Un simple regard et il avait perdu toute son assurance. Il s'était empressé de regarder en face de lui et de remettre dans sa poche tout ce qu'il avait pu en sortir, sans savoir pourquoi. Boulet. Il avait réussi à faire en sorte de l'ignorer une année entière, de fuir lorsqu'il était en couple avec Dakota et que celle-ci voulait voir son amie, et maintenant il se trouvait comme un con à côté d'elle sans savoir quoi dire ou faire. Ce qui n'était pas normal. Il aurait certainement engager la conversation avec n'importe quelle autre vieille connaissance sans aucune difficulté. Sauf elle. Il avait préféré faire en sorte que ce moment n'arrive jamais parce qu'il savait très bien comment il allait se dérouler. Ils avaient pris des chemins radicalement différents même s'ils fréquentaient aujourd'hui la même université, et n'avaient plus rien à faire ensemble. Et Silver n'hésiterait pas à le lui rappeler. Peut-être était-ce la raison pour laquelle il s'était senti si nul en découvrant qu'il s'était avancé vers une fille avec de quoi rouler un joint dans le but de peut-être coucher avec. Il avait honte, était ridicule, et ne pouvait avoir cette impression qu'en la voyant elle. Il ne savait même pas pourquoi. Quel con. Le malaise grandissait et il se sentait diminuer à mesure que les minutes passaient.

- Aide-moi, je sais pas ce que je dois dire là.

Silver avait pris l'habitude de passer un bon nombre de ses soirées sur le toit, du moins dès que le temps le lui permettait. C'était sans doute l'endroit de l'université où elle se sentait le plus à l'aise. Une brise légère venait toujours lui fouetter le visage, le silence religieux qui y régnait était reposant et plus encore, rares étaient ceux qui venaient le briser. Elle aimait s'asseoir là, les jambes battant dans le vide et ne rien faire d'autre que laisser son esprit vagabonder. Parfois, Silver emmenait un livre, ou son Mac pour travailler un peu, mais souvent, elle profitait de ces moments privilégiés pour réfléchir. Non pas que sa vie sociale absorbe la majeure partie de son temps, loin de là, mais elle apportait tellement peu de crédit à la plupart de ces post ados immatures qu'être seule, réellement seule sans brouhaha ambiant était salvateur. Les cours venaient à peine de recommencer qu'elle reprenait déjà ses bonnes habitudes. Après l'été mouvementé qu'elle avait passé, Silver n'appréciait que davantage l'ambiance particulière du toit. En effet, sa mère avait trouvé le moyen de gagner une fortune au Loto et sombrait peu à peu dans une caricature grotesque d'elle même. En plus mince, plus vulgaire, et dotée d'attributs mammaires à faire pâlir d'envie cette garce de Barbianna. Elle était invitée à toutes les soirées où les gens riches et superficiels tâchaient de passer pour des personnes respectables et cultivées et Silver préférait se taper consciencieusement la tête contre un mur durant toute sa vie, plutôt que de l'accompagner. Mais elle n'avait pas eu le choix. Tout comme elle n'avait pas eu son mot à dire quand sa chambre d'enfant avait été transformée en un paradis pour pétasse de teen movie, ou quand sa maigre garde robe avait disparue, transformée d'un coup de baguette magique en dressing de rêve... pour anorexique – à condition de savoir marcher sur des escarpins. Silver et sa mère n'avait jamais été très proches. La dernière rêvait d'une petite blonde pour jouer à la poupée tandis que Silver avait été une enfant turbulente, garçon manqué à ses heures perdues, déchirant et salissant ses robes à la vitesse de l'éclair. Maintenant, leurs relations étaient plus distendues que jamais : toutes deux avaient souffert de la mort de M. Delaney, mais d'une façon différente. Dans tous les cas, elles s'étaient copieusement loupées alors que ça aurait été l'occasion rêvée pour se rapprocher, et se soutenir.

La perte de son papa avait été déterminante pour la petite fille qui le prenait en modèle. Elle n'avait que treize ans à l'époque et ne se distinguait pas des autres jeunes filles de son âge. Pourtant, après cet événement, elle s'était renfermée sur elle même en prenant bien soin de se construire un blindage si épais que personne ne pourrait jamais le percer. L'ironie et le cynisme étaient devenus ses armes, elle se refusait à accorder sa confiance à quelqu'un, de peur de ressentir de nouveau la souffrance qu'elle avait éprouvé à la mort de son père. Accessoirement, elle s'était laissée aller plus que de raison, négligeant son corps et compensant par la nourriture. Même si elle détestait regarder en arrière, Silver ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce qu'aurait été sa vie, maintenant, si son père n'était pas mort. Serait-elle aussi conne que la plupart, obsédée par ses nouvelles fringues ou par son voisin d'amphi trop mignon ? Ce soir là, étrangement, elle était plus mélancolique que d'habitude, peut être à cause de la rentrée, ou bien... elle ne savait même pas. En tout cas, c'est l'instant parfait que choisit un fantôme du passé pour réapparaître : Adam. Silver ne cacha pas sa surprise lorsqu'elle posa les yeux sur lui, et il paraissait aussi gêné qu'elle. Su-per. Dans un film, ça aurait été l'un de ces moments parfaits, super émouvant, où tous les spectateurs attendent qu'il se passe LA scène démente. Mais dans la vie réelle, c'était juste un moment embarrassant à passer, là où vous sentez le moindre de vos muscles trembler et qu'un flot de paroles se coince juste au bord de vos lèvres. Vous aimeriez qu'il se déverse, au fond, mais il en est incapable. C'est ce que ressentait Silver à ce moment là, et il était très frustrant de ne pouvoir exprimer ce malaise, surtout pour elle, peu habituée à la langue de bois. Adam était typiquement le genre de garçon qu'elle pouvait railler aisément, et qu'elle méprisait profondément. Pourtant, elle ne pouvait pas décemment lui réserver ce traitement. L'ignorer et occulter son existence alors qu'ils foulaient le même sol chaque jour était bien plus évident. Adam avait été un soutien incomparable quand son père était malade, et que ses parents l'avaient envoyé vivre chez ceux d'Adam, amis de longue date. Ils se comprenaient d'un seul regard et Silver nourrissait une admiration sans bornes pour lui, à l'époque. Elle l'avait peut être même aimé, avec la force des premiers émois, et la honte que cela induisait : éprouver des sentiments pour quelqu'un qui devait la considérer comme une petite soeur, c'était plutôt gênant. Et puis, à la mort de son père, elle s'était montrée odieuse. Au lieu de se raccrocher à ceux qu'elle aimait, Silver avait préféré s'en éloigner, refusant qu'on lui arrache une nouvelle fois le coeur. Depuis, elle évoluait seule, ou presque et considérait ceci comme une force plus qu'une faiblesse. Cela faisait d'elle une marginale un peu bizarre et lui avait forgé un sacré caractère. Adam avait suivi une voie radicalement différente, et maintenant, le simple fait qu'il lui adresse la parole semblait irréel. Ils n'avaient plus rien à faire ensemble. Tous deux l'avaient bien compris. Du moins, jusqu'à ce soir. Silver attendit que le rythme de son coeur reprenne un cours normal et remerciait la nuit d'être si noire, empêchant sûrement Adam de voir que la gêne de cette rencontre avait fait s'empourprer ses joues. Ce qui n'arrivait jamais, puisque la petite blonde n'était pas du genre gênée, qu'on se le dise. Le silence devenait embarrassant, et surtout trop long, c'est pourquoi elle prit la parole. Sans réfléchir. Elle ne savait strictement pas quoi dire, et avant même qu'elle y réfléchisse, sa voix s'enclenchait, déblatérant des bêtises sur le ton de la plaisanterie. Affreux.

- Tu pourrais dire « Hey Silver, ça fait un bail. » mais ça paraîtrait un peu trop moqueur à mon goût. Sinon tu peux toujours inventer une excuse pour t'enfuir le plus rapidement possible mais je risque de ne pas trop y croire. Ou... tu peux aussi t'asseoir et demain, on fera comme si ce moment n'avait jamais existé.

Adam n'était pas du genre à s'attacher aux autres. Il avait bien des amis, des copines, mais il n'allait pas se mettre à chialer si l'un d'autre décidait d'un seul coup de s'éloigner de lui. Il s'en fichait pas mal. Le terme «amitié» correspondait à peine aux relations qu'il entretenait avec ceux qu'il voyait en permanence, parce qu'il l'imaginait comme quelque chose de rare, précieux, un peu comme de l'amour sans cul, ce qu'il n'avait jamais connu, en gros. Presque jamais, en tous cas. Avec le recul, et maintenant qu'il se rendait compte qu'être seul en sa présence lui faisait perdre tous ses moyens, Adam se demandait si la seule fois où il avait ressenti ça pour quelqu'un ne datait pas de l'époque où Silver et lui étaient en permanence ensemble. Ils étaient jeunes, pudiques, et n'avaient jamais cherché à pousser leur relation plus loin. Mais ils étaient aussi complices, et les journées sans elle semblaient moins parfaites. Il avait même ressenti ce vide dont parlaient les chanteurs niais de l'époque et avait compris à ce moment-là que c'était peut-être un peu plus qu'une amie. Et maintenant qu'appuyé contre ce mur il comparait ce sentiment avec tous ceux qui étaient passés après, il en était presque certain. Leur histoire datait peut-être de l'époque où amour et amitié se mélangent sans problème, mais tout de même. Ca avait été unique, et il l'avait perdu quand elle avait choisi de s'éloigner de lui. Son embarras et l'inhabituelle anxiété qu'il ressentait s'évanouirent un peu lorsque Silver choisit de lui répondre plutôt que de s'en aller à nouveau, ce qu'il redoutait. Adam avait beau se sentir ridicule après l'avoir abordée avec d'autres idées en tête, il ne voulait pas s'enfuir. Il avait attendu le moment où ils seraient obligés de se parler depuis longtemps et ne pouvait pas prendre le risque de se barrer et de ne plus jamais avoir la possibilité de le faire. Finalement, ce malentendu était plutôt positif. Même si la conversation ne mènerait sûrement à rien, à part la conclusion qu'ils avaient déjà tous les deux tirée depuis longtemps : qu'ils n'avaient plus aucun point commun ou quoique ce soit à partager. Mais la plus grande différence qui existait entre eux était l'image qu'ils se faisaient l'un de l'autre. Adam était le meilleur ami de Chuck, et tout le monde avait tendance à assimiler son caractère au sien uniquement parce qu'ils avaient les mêmes centres d'intérêts, sans vouloir creuser un peu plus. Adam n'était pas un connard fini, et pourtant il était persuadé que c'était exactement ce que Silver pensait. Qu'il n'était qu'un baiseur drogué et briseur de coeur. Il se fichait que la moitié de l'université pense ça puisque les autres avaient très peu d'intérêt pour lui. Mais Silver avait été importante pour lui, et même si ça datait, il continuait d'éprouver trop de respect et une affection nostalgique pour elle. Il ne lui avait probablement pas donné cette impression pendant l'année qui s'était écoulée à faire semblant de ne pas la voir ou la connaître lorsqu'ils étaient obligés de se tenir l'un à côté de l'autre lorsqu'ils leur arrivaient de se trouver avec Dakota et de croiser l'autre. Peut-être qu'elle avait même cru qu'il l'avait oubliée, tiens, ou qu'il avait juste honte de se promener avec une fille moins bien foutue que les filles qu'il avait l'habitude de fréquenter. Mais la vérité était toute simple : il avait juste eu bien trop peur de se faire remballer pour tenter de rétablir un semblant de relation. La dernière suggestion de Silver eut le don de l'agacer. Peut-être qu'il la comprenait mal, mais pour l'instant il était incapable d'analyser avec raison ce qu'elle disait, la gêne et les souvenirs s'étaient trop emparés de lui. Chose trop rare. En coupant les ponts quand ils étaient jeunes et en le laissant sans nouvelle, elle avait réussi à le blesser plus que n'importe quelle autre fille aurait pu le faire et enfin il avait l'occasion de faire renaître ce mal-être et l'exprimer.

- Pourquoi ? Je suis trop con pour que tu viennes me parler ? Je le sais. J'ai fini par le comprendre en un an. Sans compter l'année où t'as ignoré mes appels, e-mails et tout le reste, évidemment. T'avais une raison valable, à l'époque. Maintenant j'imagine tout à fait ce que t'as pensé quand tu m'as revu. C'est nul.

Silver détesta d'un coup le silence qu'elle chérissait pourtant en temps normal sur le toit. Lui d'habitude si apaisant devenait gênant, et presque opressant. Le silence qu'avait crée sa réplique idiote et impulsive n'annonçait rien de bon. Et Silver osait à peine lever les yeux pour observer Adam, qui n'avait pas daigné s'asseoir. Elle avait peur d'y lire un air moqueur propre aux gens comme lui, ou pire un air méprisant. Non, c'était faux et elle le savait pertinemment. Ce qu'elle craignait simplement, c'était de le regarder droit dans les yeux pour la première fois depuis des années. Parce qu'elle savait que face à lui, sa carapace se fissurerait et qu'il lirait dans ses yeux comme dans un livre ouvert. En public, Silver aurait pu l'affronter sans aucun problème. Mais ici, seule à seul, sans personne autoir pour murmurer ou chuchoter des idioties, elle en était incapable. Elle se surprit même à être gênée de sa tenue : un pyjama ridicule composé d'un tee shirt à l'effigie d'un bisounours et d'un petit short qui glissait dangereusement sur son bassin, maintenant que ses fesses étaient trop plates pour le retenir. Damn it. Silver se trouvait d'autant plus ridicule qu'elle se fichait de ce que pouvait bien penser les gens à son égard. Réellement. Elle voguait aisément entre les commentaires pernicieux et les autres lubriques - bien plus récent - sans avoir l'air de les entendre, un sourire sarcastique aux lèvres. Chez ses camarades riches et se croyant tout permis, on aurait pu assimiler cela à une assurance démesurée, une confiance en soi imperturable ou de la prétention pure et simple. Chez Silver, ce n'était pas ça. Elle n'était pas sûre d'elle, loin de là. Elle ne se trouvait ni jolie, ni rien du tout. Elle était simplement bien trop effrontée pour avoir le temps de complexer. OK, l'avis de post ados immatures ne l'atteignait pas non plus, il y avait de ça. Mais pas que. Silver ne s'aimait pas, mais elle ne se détestait pas non plus, elle était juste équilibrée, point final. Et par conséquent, elle savait qui elle était. Voilà pourquoi les autres pouvaient toujours parler, jamais ils ne la feraient fondre en larmes, ou changer d'avis. Pourtant, en cet instant, Silver eut l'impression qu'Adam, une fois qu'il eut prit la parole, pouvait l'atteindre en plein coeur.

Sa première remarque lui fit l'effet d'un coup de poing à l'estomac : violent à vous couper le souffle. La petite blonde se demandait comment il pouvait penser ça d'elle, elle n'était pas du genre à juger les gens. Du moins, pas quand ceux ci ne le méritaient pas amplement... Elle ne s'en prenait qu'à ceux qui passaient leur vie à dénigrer celle des autres. Silver aimait être la voix des faibles et des opprimés, les geeks à qui on plongeait la tête dans les toilettes, cette fille intello à qui l'on faisait miroiter une amitié factice en échange de devoirs, et j'en passe. Ces gens là étaient comme elle. Exactement. Mais contrairement à eux, Silver avait un caractère bien trempé, et de l'audace à revendre. Elle était une paria, une marginale ou ce que voulez, mais jamais elle ne voulait être une victime. Elle l'avait été une seule fois dans sa courte vie, lors de la mort d'un être cher, et ça avait bien trop douloureux. Et puis, si l'on peut pas lutter contre la mort, on peut se battre contre n'importe quel autre obstacle, elle l'avait bien compris. Pourtant, elle ne souhaitait pas se battre contre Adam, loin de là. Il avait énormément compté pour elle, et elle n'avait jamais su le lui dire. Tout ça avait été implicite, peut être même trop. Silver avait eu la bêtise de croire qu'il comprendrait sa logique, et le fait qu'elle s'éloigne de lui par peur de le perdre. Elle avait espéré qu'il saisisse le manque de logique de son esprit un peu paumé, tout comme toute l'estime qu'elle avait pu avoir pour lui et qui n'avait jamais vraiment disparu. Malheureusement, la seule chose qu'elle ressentait là, maintenant et tout de suite, c'était de la rancoeur. Une rancoeur froide. Une rancoeur qui lui faisait bien plus de mal qu'elle l'aurait cru. Silver se mordait la lèvre inférieure si fort qu'elle sentit le goût apre du sang envahir sa bouche. Bordel. Pourquoi tout était si compliqué ? Pourquoi ils avaient pris des chemins si différents que juste s'excuser ou tenter de lui faire comprendre ce qu'elle ressentait semblait si difficile ? Silver sentit que c'était le moment ou jamais. Celui de faire ressortir des sentiments trop longtemps enfouis. Celui de jouer cartes sur table. Qu'importe ce qu'il advienne. Après tout, ça ne pouvait pas être pire : ils s'ignoraient depuis si longtemps et pire encore, Adam la détestait. Au moins, elle aurait essayé. Pourtant, lorsqu'elle se leva pour lui faire face, Silver avait le regard fuyant, incapable de fixer autre chose que le tshirt d'Adam. Et son aplomb légendaire avait tout d'une légende, justement : il était inexistant.

- C'est vraiment ce que tu crois ? Parce que c'est faux, je ne t'ai jamais trouvé bête Jamais. Tu sais... si je suis venue ici, c'est uniquement parce qu'on avait prévu d'y aller ensemble, il y a longtemps. Je n'aurais jamais choisi un endroit où le nombre de fils à papa imbuvables au km² carré frôle l'indécence. Mais le fait que tu y sois rendait la chose plus supportable. Silver avait la manie de parler trop, et de réfléchir après. Sa voix fluette se tut d'un coup, et elle se sentit encore plus ridicule. Elle chercha une remarque cynique à ajouter, et n'en trouva pas. Bordel, pourquoi son cerveau se mettait-il en mode off, au moment même où elle en avait le plus besoin ? Elle surenchérit donc, et osa cette fois ci lever les yeux jusqu'à pouvoir distinguer ceux d'Adam. Et puis, soyons honnêtes, je ne suis pas le genre de filles avec qui tu traînes. OK, c'est ridicule comme argument, mais je pensais que ça avait de l'importance pour toi...

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